mercredi 6 juin 2012

La fin de l'U.A.A.R. (1ère partie)


Voici l’article qui signe la fin de l’occupation du Café de la Régence par les joueurs d’échecs à la fin de la première guerre mondiale.
Les différentes sources que j’ai trouvées montrent une désaffection par les joueurs du temple des Échecs à partir de 1918 et ce pour au moins une dizaine d’années.
Quelques années plus tard, en 1921, est créée la Fédération Française des Échecs puis la FIDE à l’initiative de cette même fédération (Et encore, avant 1921, j'ai trouvé trace dès 1919 d'un fédération française de joueurs d'échecs dont je reparlerai plus tard).

Mais vers 1930, sans doute à l’initiative d’un nouveau propriétaire O.Brun, ce lieu retrouve une certaine activité échiquéenne, avec notamment des tournois et des simultanées données par les meilleurs joueurs du monde.
La dernière trace connue à ce jour du jeu d’échecs dans le Café de la Régence date de 1943 avec ce tournoi international de Paris joué durant l’occupation allemande (voir un article précédent).
Merci une nouvelle fois à Etienne Cornil pour cette découverte qui devient donc la source la plus récente d’une activité échiquéenne au Café de la Régence.

La Stratégie, juin 1918 – article signé A.Geoffroy-Dausay (NDLR : pseudonyme d'Alphonse Goetz)

(Alphonse Goetz - Source l'excellent Héritage des Échecs Français)

« Le 18 juin, en assemblée générale extraordinaire, l’UNION AMICALE DES AMATEURS DE LA REGENCE a voté, à la presque unanimité des membres présents ou représentés, le transfert du siège social au Café de l’Univers, 159, rue Saint-Honoré.
L’ancien bureau ayant démissionné collectivement, l’assemblée a constitué le nouveau comité comme suit :
MM.G.Guyart, président ; J.Conti et R.de Lausun, vice-présidents ; E.Griotteray, secrétaire ; E.Betts, trésorier ; L.Clerc-Renaud et Elie Poltoratsky, conseillers.

Voici le fait dans toute sa simplicité. Quant aux raisons qui ont dicté ce vote, elles sont malaisées à résumer en quelques mots. Un grand nombre d’amateurs croyaient, à tort ou à raison, avoir des griefs contre le propriétaire ou le personnel du Café de la Régence. Ils ont agi en conséquence.
La question n’a plus d’ailleurs, à l’heure actuelle, qu’un intérêt rétrospectif.
Nous avons donc un centre échiquéen de plus à Paris. Tous les amis du noble jeu ne peuvent que s’en féliciter. Plus il y aura d’endroits où l’on cultive les échecs, plus le nombre des amateurs augmentera. Et il a besoin d’augmenter. Pour le moment je ne connais guère que cinq ou six lieux de réunion de joueurs d’échecs. Il devrait y en avoir dix fois autant.

Quant à la Régence, elle restera bien entendu la Régence, l’endroit connu dans les deux hémisphères pour être le temple des Echecs, un temps autour duquel deux siècles ont tissé une luxuriante frondaison d’histoire et de légendes.

La scission qui vient de se produire est, à mon avis, la conséquence de la fondation, en 1902, de l’UNION AMICALE DES AMATEURS DE LA RÉGENCE. J’ai toujours pensé que cette constitution, faite sous l’empire de la jeune vogue de la loi de 1901 sur les associations, a été une erreur.
Favorable aux seuls habitués, le régime ainsi institué lésait manifestement le propriétaire, qui n’était plus maître chez lui.

Jadis, quand un joueur croyait avoir à se plaindre, c’était une affaire personnelle entre lui et le patron. Maintenant pour une réponse brusque d’un garçon ou d’un gérant, pour une question d’éclairage ou de ventilation, c’est toute l’association qui se dressait contre le propriétaire. Si, pendant plus de douze ans, aucun de ces motifs n’a pris de forme aigüe, le mérite en revenait grandement au tact et à l’aménité de notre regretté président M.Deroste.

L’exode de l’UNION AMICALE, votée le 18 juin, n’est donc pas un simple incident, mais le résultat logique d’une situation instable. Si quelqu’un pouvait en être satisfait, ce devait être, à mon avis, le propriétaire de la Régence, qui recouvrait sa liberté. On aurait dû penser qu’il s’empresserait d’en profiter pour rétablir l’ancien régime, celui des frais pour l’usage de l’échiquier avec liberté complète pour tout le monde d’aller et de venir, liberté dont j’eusse été le premier à profiter.

Le Régence redevenait ainsi ce qu’elle était jadis, ce qu’elle n’aurait dû jamais cesser d’être.

Mais il faut croire que la fonction de membre d’un comité a un charme tout particulier, puisqu’il vient de se former déjà, à la Régence, une nouvelle association amicale.

Dans la logique des choses, cela devra nous amener, d’ici quelques années, un nouvel exode de sociétaires mécontents qui fonderont encore une autre réunion de joueurs d’échecs.
Et c’est ainsi que l’ASSOCIATION FRANÇAISE D’AMATEURS D’ÉCHECS « LA RÉGENCE » sera comme la ruche d’où essaimeront les clubs d’échecs destinés à orner les différents quartiers de Paris.

Ce sera un résultat auquel on ne pourra qu’applaudir. N’importe ! Moi j’aurai mieux aimé la Régence sans association, la liberté pour tous. »

(Le Café de l'Univers vers 1930 - Source Delcampe - On peut voir un petit bout du Café de la Régence sur l’extrême droite de la carte postale, les deux cafés étant très proches l'un de l'autre - NB : Une brasserie existe toujours à l'emplacement du café de l'Univers...)
 
Quelques lignes au-dessus de cet article se trouvait l’entrefilet suivant :

LES ÉCHECS DU PALAIS ROYAL. Sous ce titre un groupe important d’amateurs vient de se constituer en Société régulière avec capacité juridique conformément à la loi du 1er juillet 1901.
En une assemblée générale constitutive qui se tient le 25 mai, à laquelle assistent une centaine de sociétaires, la nouvelle association, après adoption des statuts, nomme son Comité composé de douze membres : MM.G.Guyard, président ; J.Conti, secrétaire ; Barreau, trésorier ; Bonnet, de Charmoy ; L.Clerc-Renaud ; A.Goetz ; Hunebelle ; R. de Lausun ; Martinot ; Merle et Dr Roux-Seignoret, conseillers.
Les réunions quotidiennes se tiennent au CAFE DE L’UNIVERS, 159, rue Saint-Honoré (place du Théâtre Français) où les sociétaires ont, par contrat, la libre disposition de tout le premier étage ».

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