mercredi 24 juillet 2013

Jean-Jacques Rousseau au café de la Régence (2 sur 2)

Voici d'autres précisions sur Jean-Jacques Rousseau et le Café de la Régence...

Dans
Chroniques et Légendes des rues de Paris
Par Edouard Fournier – Paris 1864 – E.DENTU Editeur (source Google Book)



L’auteur vient de discuter de Diderot et enchaîne sur un autre philosophe des Lumières.

Jean-Jacques Rousseau venait aussi à la Régence, mais moins pour y regarder que pour s’y faire voir.
Quand il voulait produire un de ces grands effets de montre dont était si friande sa vanité bourrue, c’est là qu’on le voyait paraître. La foule le suivait, et alors, par une autre évolution d’amour-propre, il faisait l’effarouché et feignait de se dérober à la foule. L’ours genevois, bien qu’il n’eut rien d’une nymphe, imitait celles des églogues : il fuyait en ayant soin de regarder si on le voyait fuir, et se cupit ante videri (et espère être vu).
A l’époque où il eut l’étrange manie de s’habiller en Arménien, c’est-à-dire où, sous le prétexte de se mieux cacher, il se donna un déguisement qui le faisait mieux voir, sa présence au Café de la Régence fit véritablement émeute.
Il y vint tant de monde pour l’examiner sous son bonnet de fourrure et sa robe orientale, que M. de Sartine fut un jour obligé de faire mettre une sentinelle à la porte.

Ce point est indiqué dans Nouveaux Essais historiques sur Paris, Du Coudray 1781 (t.II, p103)
Voir l’image ci-dessous (source Google Book)



Le lendemain, Jean-Jacques ne revint plus, son amour-propre était content. Les rédacteurs des Mémoires secrets ne furent pas dupes des manœuvres de cette vanité doublée de fausse modestie ; ils mirent dans leurs Nouvelles une petite note poliment perfide, où toute leur pensée se faisait sentir :

Tome V, p.164 (7 juillet 1770)

« Le sieur J.-J. Rousseau, disaient-ils, après s’être montré quelquefois au café de la Régence où son amour-propre a été flatté d’éprouver qu’il faisait la même sensation qu’autrefois, et que sa renommée attirait encore la foule sur ses pas, s’est enveloppé dans sa modestie. Il est rentré dans son obscurité, satisfait de cet éclat momentané, jusqu’à ce qu’une autre circonstance lui donne une célébrité plus longue ».

On apprend ensuite dans les « Chroniques et Légendes des rues de Paris » qu’une esquisse de Jean-Jacques Rousseau a été réalisée au Café de la Régence.
J’ai cherché en vain sur internet une reproduction de celui-ci.

Il revint pourtant à la Régence, mais ce fut alors moins par désir de montre que par pure distraction. Il y vint pour jouer aux échecs qu’il aimait beaucoup et pour voir jouer. Certain jour qu’il y était, un des Saint-Aubin s’y trouva. L’occasion était bonne pour croquer au vol cet original si difficile à prendre ; il la saisit. Ayant attendu l’instant où Jean-Jacques, complètement absorbé dans sa partie d’échecs, ne pourrait le voir et lui échapper, car l’action seule de faire son portrait lui eût semblé un espionnage, Saint-Aubin prit son crayon et sur la garde d’un volume, le Catalogue des tableaux du cabinet de M. Crozat, qu’il avait dans sa poche, il esquissa en quelques traits la physionomie, la pose, la tournure de notre homme.

Edouard Fournier indique : « Cet exemplaire a été vendu avec les livres d’Emeric David. V.son catalogue, 1862, in-8°, p156, n°1240. »
Si un lecteur connaît cette esquisse et en possède une reproduction, je suis preneur !

Jean-Jacques était placé près de l’un de ces piliers, plus tard transformés en colonnes, que vous vous rappelez avoir vus dans la longue et tortueuse salle du café. Saint-Aubin plaça le pilier dans son dessin, mit dessus : M.Rousseau, de Genève, dessiné au café de la Régence, 1771, et partit sans que le philosophe se doutât qu’on venait de le crayonner au vif. Qu’eut-il dit, s’il s’en fut aperçu ? Il eut été flatté, mais il se fût donné le plaisir de paraître furieux.

A noter qu'au sujet de l'article du Palamède, que j'ai cité dans la première partie dédié à Jean-Jacques Rousseau, Fournier indique :


(Le Palamède 1836 - page 390 - Collection personnelle)

Nous avons des preuves de la fréquentation de Rousseau à la Régence.
Pour celle de Voltaire, j’en doute fort et pour cause. Lui-même, en effet, a dit formellement : « Je n’ai jamais fréquenté aucun café » dans une lettre à Dorat du 6 août 1770.
Si on le vit à la Régence, ce ne dut être qu’à son dernier voyage à Paris, et je ne crois pas que sa longue apothéose lui laissât alors le temps de descendre jusqu’au café. (Edouard Fournier)


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